Quel
aspirant écrivain n’a jamais entendu parler d’
Ecriture (
On Writing), le
fameux essai de Stephen King dans lequel il entreprend de nous livrer ses
conseils d’écriture inspirés de son expérience de romancier à succès ?
Sans doute aucun, et si c’était votre cas, ça ne l’est plus depuis dix
secondes.
Même
si beaucoup le savent déjà, commençons par remettre les pendules à l’heure :
ce livre est loin d’être un simple guide dédié aux techniques d’écriture, mais
il est surtout une courte et sélective autobiographie du King. Une bonne moitié
du contenu, si ce n’est pas plus, Stephen le consacre à nous y raconter sa vie.
Pas raconter sa vie au sens discussions
stériles de bureau autour du café du lundi matin, non bien sûr. D’une part,
parce qu’il a essayé de rapporter les évènements qui ont façonné et influencé
son style, sa carrière et sa façon de travailler, et d’une autre, parce qu’il
est toujours intéressant de découvrir la vie d’un homme parti de rien, ou
presque, et qui finit par atteindre le sommet à force de persévérance. Et puis,
pour les fans, c’est juste un plaisir de s’immiscer dans l’intimité de
l’écrivain. Pour ma part, je ne suis pas un fan de l’auteur au sens premier,
mais je l’apprécie. J’aime notamment son sens de l’humour sarcastique et ses
pics sortis de nulle part qu’il balance quand on ne s’y attend pas.
Mais
revenons à ce qui nous triture : les conseils de Stephen King vont-ils me
permettre d’écrire un roman parfait ou un best-seller mondial ? Je vais
briser vos rêves, mais la réponse est, bien entendue, non. Et comme moi, vous
le saviez déjà, même s’il faut bien avouer que l’on est tous un peu les mêmes
et que l’on espère secrètement tomber sur la formule magique… qui n’existe pas.
Je
ne vais pas vous énumérer les conseils que l’auteur prodigue parce que ce n’est
pas le propos ici et aussi, parce que des dizaines de blogs l’ont déjà fait
avec talent et de façon hyper condensé et pratique. Par contre, je vais une
nouvelle fois vous décevoir et peut-être vous paraître suffisant, mais je n’ai
pas débusqué, ou si peu, d’astuces ou de conseils inédits. Je ne me souviens
pas m’être dit au cours de ma lecture : « Mais bon sang, c’est vrai,
pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ? » ou « Ah, tiens, celle-là,
je ne l’avais jamais entendue ! »
Je
vous rassure, ce n’est pas Stephen King qu’il faut blâmer (et si j’osais le
faire, je risquerai de prendre très cher). D’ailleurs, je n’ai pas du tout
envie de le faire. Je ne suis pas l’un de ces petits cons hérétiques et
délétères dont la bave éclabousse à tout va créations, posts et discussions. Non,
si je n’ai rien appris de radicalement nouveau, c’est tout simplement parce
que, comme vous, j’imagine, j’avais au préalable déjà lu des dizaines et des
dizaines d’articles consacrés à l’écriture, des interview d’auteurs à succès ou
débutant, des TOP 10 des meilleurs conseils de machin et machine, etc. Il est
d’ailleurs fort probable que beaucoup de ces articles aient puisé leur contenu
dans le livre de Stephen King. Rendons à
César…
Cela
dit, si vous débutez dans l’écriture et que vous ne vous êtes encore jamais
penché sur les nombreuses techniques et astuces qui peuvent vous permettre de
progresser, alors vous pouvez lire ce livre et être certain d’y déceler des tas
de précieuses informations. A souligner que ce n’est pas parce que l’on connaît
une technique qu’on la maîtrise (je parle pour moi notamment). Savoir une
chose, c’est bien, la maîtriser en est une autre.
Autre
élément qui me semble d’importance, Stephen King a débuté dans le métier en
rédigeant des nouvelles et il insiste beaucoup sur cette période de sa vie et
son aspect « marketing », à savoir toutes les démarches qu’il a dû entreprendre
pour parvenir enfin à faire publier ses histoires. Le souci est qu’il nous
plonge dans une époque où les magazines pullulaient dans les kiosques et où ces
derniers consacraient une place prépondérante aux nouvelles d’auteurs,
confirmés ou débutant. Aujourd’hui,
cette presse a disparu ou en tout cas, ne publie plus de nouvelles. Ses
conseils ne sont donc plus d’actualité et nous foutent plutôt un coup de blues
sur cette période révolue que l’on aurait bien aimé connaître, pour le plaisir
et le challenge. Vous allez me dire, aujourd’hui il y a (quelques) blogs sur
lesquels on peut publier ses nouvelles, mais soyons honnête, c’est autre chose
que d’être publié par un magazine de renom tiré à des dizaines ou centaines de
milliers d’exemplaires et qui de surcroît vous paye pour ça. D’un autre côté,
il n’y avait pas KDP dans le temps, alors ne larmoyons pas trop.
Bon,
je ne vais pas vous pondre une chronique de 12 pages et m’en vais donc la
conclure. Pour résumer :
Faut-il
lire Ecriture de Stephen King ?
Oui,
si j’écris ou projette d’écrire et que je n’ai pas ou peu lu de conseils
d’écriture.
Oui,
si j’ai déjà lu des tonnes de conseils sur l’écriture, mais que j’ai besoin
d’une piqûre de rappel, ce qui ne fait de mal à personne.
Oui,
si je n’écris pas ou que j’ai déjà pas mal de connaissance sur le sujet, mais
que, très important, je suis un(e) grand(e) fan de l’auteur.
Non,
si j’ai déjà lu des centaines d’articles traitant de ce sujet et que cerise sur
le gâteau, je déteste Stephen King.
Le
mot de la fin : j’ai pris du plaisir à lire ce livre, même si je n’y ai
pas découvert le conseil ultime que, naïvement, j’espérai.
Autre
mot de la fin : je l’ai lu sur ma Kindle (moins de 4 €, un prix très
correct et rare pour le bouquin d’un auteur de cet acabit). Cependant, je vous
conseille plutôt de vous procurer la version papier, car une partie importante
du livre consiste en la lecture, puis la correction d’un long passage, que
Stephen barre et rature à la main. Il est nécessaire de comparer les deux
versions au fur et à mesure des corrections pour bien percuter et je ne vais
pas vous apprendre qu’il est impossible de faire des allers retours de
plusieurs pages sur une liseuse sans devenir cinglé.
Pour
finir (oui, je sais, j’abuse des rebondissements), je vous propose quelques
phrases récoltées au fil de ma lecture et que j’ai trouvées intéressantes ou
marrantes. Sur ce, je pose la plume pour de bon ;)
Enlevez
tout mot inutile.
Quand
on écrit une histoire, on se la raconte. Quand on se relit, le gros du travail
consiste à enlever ce qui ne fait pas
partie de l'histoire.
Bien
sûr, s'exprimer fait partie du jeu de la séduction sinon, pourquoi tant de
couples qui commencent la soirée au restaurant la termineraient-ils au lit ?
Que pourrait-il
y avoir de plus encourageant, pour l'écrivain en herbe, que de se rendre compte
que son travail est sans conteste meilleur que celui de quelqu'un qui a été
payé pour le sien ?
Si
vous n'avez pas le temps de lire, vous n'avez pas celui d'écrire.
Je considère
néanmoins que le premier jet d'un livre, même long, ne devrait pas prendre plus
de trois mois, la durée d'une saison.
Une
description commence dans l'imagination de l'écrivain et doit s'achever dans
celle du lecteur.
Ne
jamais expliquer quelque chose que l'on peut montrer.
Ce
qui compte est de laisser chaque personnage s'exprimer librement, sans
s'occuper de ce qu'en pensent les gens bien-pensants ou les dames de la
paroisse.
La
bonne fiction part toujours d'une histoire et progresse vers son thème. Elle ne part presque jamais du thème pour
aboutir à l'histoire.
Prenez
tous ces messages, toutes ces leçons morales et collez-vous-les là où le soleil
ne brille jamais, d'accord ?
Quelqu’un,
impossible de me rappeler qui, a écrit un jour que les romans sont tous, sans
exception, des lettres adressées à une personne précise. Il se trouve que je le
crois aussi. Je pense que tout romancier a un unique lecteur idéal, qu'aux
différents stades de la composition de son ouvrage, il se dit : Je me demande
ce qu'il en penserait, s'il le lisait ?
En
fin de compte, écrire revient à enrichir
la vie de ceux qui liront vos ouvrages, mais aussi à enrichir votre propre vie.